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En direct de la COP 26 de Glasgow

En direct de la COP 26 de Glasgow

Le scientifique indépendant Dr. Yann Robiou du Pont assiste aux négociations de la COP 26 à Glasgow. Il nous décrypte l'ambiance de la conférence internationale et les enjeux climatiques qui s'y jouent.

Pourquoi une 26e COP, 6 ans après l’Accord de Paris

Les COPs sont des sommets diplomatiques où les pays cherchent à s’accorder sur une stratégie commune pour réduire les impacts du changement climatique.
L’Accord de Paris en 2015, a marqué une avancée diplomatique indéniable en intégrant, dans un traité légalement contraignant, la volonté commune de 196 pays (dont l’Union Européenne) de limiter le changement climatique bien en deçà de 2°C et poursuivre les efforts pour rester sous un 1.5°C de réchauffement..

L’Accord de Paris a énoncé des objectifs communs ambitieux mais n'a pas décrit comment chaque pays doit faire au cours du siècle pour y parvenir ; ce qui aurait trop dur à négocier et aurait pu ne pas être suivi dans les faits comme, par exemple, le protocole de Kyoto que les USA n’avaient pas ratifié et que le Canada avait quitté. A la place, l’Accord de Paris a proposé une méthode itérative pour relever l’ambition des pays qui doivent améliorer l’ambition de leurs engagements tous les 5 ans, et donc normalement avant la fin de la COP26 à Glasgow, initialement prévue en 2020.

A Glasgow, les objectifs réaffirmés

Relever l’ambition des objectifs nationaux n’est cependant qu’un, même si le plus visible, des objectifs négociés à Glasgow.
Outre ces objectifs de réduction d’émissions, les besoins d’adaptation et de compensation des pertes et préjudices sont mis en avant par les pays les plus touchés par les impacts résultants des émissions historiques des pays les plus polluants.
Les pays développés n’ont pour l’instant pas tenu leur promesse de 100 milliards annuels de dollars à partir de 2020 (et n’y arriveraient qu’en 2023 après que seuls 80 milliards ont été pourvus en 2020).
Les négociations portent aussi sur l’augmentation de ce montant au-delà de 2025 : le pourcentage de cette provision financière dédiée à l’adaptation (21% en 2020) reste elle aussi bien en deçà des 50% visés.
Enfin, d’autres discussions concernent les mécanismes de mise en œuvre, de collaboration et de transparence de ces objectifs.
Bien sûr, toutes ces discussions sont liées. Un pays peut reculer sur un point pour obtenir autre chose. Ces négociations sont évidemment aussi officieusement liées à d’autres enjeux géopolitiques ce qui peut rendre la situation confuse voire frustrante si l’on se focalise sur les considérations climatiques. Cependant, beaucoup des liens entre ces discussions sont justifiés. Par exemple, le relèvement de l’ambition de son objectif par un Etat va évidemment dépendre de sa facilité à accéder à un mécanisme qui lui permet de le faire à moindre coût.

Le relèvement de l’ambition des objectifs climatiques aurait dû se faire en 2020 (la COP a été décalée pour cause de pandémie). Une COP apporte une grande visibilité pour faire de telles annonces. Beaucoup d’Etats ont déjà annoncé un relèvement de l’ambition de leurs objectifs mais leurs contributions restent insuffisantes au regard de leur responsabilité et capacité. L’engagement des USA est aligné avec un réchauffement à 3°C, l’UE à 2.3°C, le Canada à 3.4°C, l’Australie s’est réengagée vers 4.4°C alors que l’ambition du Brésil a baissé, tout ceci encore loin de l’objectif global de 1.5°C. Certains Etats gardent des annonces d’objectif pour la COP, comme l’Inde qui aspire maintenant à la neutralité carbone en 2070. A l’approche de la COP, un rapport des Nations Unies estimait que la somme des engagements actuels dirigeait le monde vers un réchauffement de 2.7°C… si ceux-ci sont tenus. Les annonces faites pendant la COP (dont beaucoup ne sont pas inscrites dans des lois nationales) pourraient limiter cette perspective à 1.8°C... si celles-ci sont respectés. L’enjeu passe de celui d'aligner les objectifs des différents pays à celui de les mettre en œuvre.

L'agenda de la COP 26

L’agenda de la COP lui-même se focalise sur les règles de la mise en œuvre de l’accord de Paris. Spécifiquement, les questions de coopération internationale sont au cœur des discussions. A quelle condition un Etat peut il se créditer d’une réduction d’émissions qu’il finance dans un autre pays ? Cette possibilité permet théoriquement une coopération qui bénéficie aux deux parties avec des réductions d’émissions moins chères pour l’acquéreur, et un rattrapage technologique accompagné des co-bénéfices de la transition pour le pays vendeur (la mauvaise qualité de l’air tue 7 millions de personnes par an).
Il faut cependant s’assurer que les contributions ne sont pas décomptées plusieurs fois et soient bien intégrées par les objectifs nationaux. Des discussions cherchent aussi à décider du montant de ces transactions financières qui pourra aller au financement de l’adaptation. Sans entrer dans les discussions techniques, la question de la compatibilité de cette architecture avec celle du protocole de Kyoto précédent, oppose les pays qui cherchent à faire reconnaitre et monétiser le fruit de leurs réductions passées à d’autres qui veulent les voir annulées au nom de l’ambition.
Les précédentes COPs n’ont pas permis d’arriver à un accord sur ces derniers points du "rulebook" (la mise en oeuvre opérationnelle) de l’Accord de Paris. Ces discussions restent des points de levier importants pour des pays vulnérables souvent ignorés pour obtenir des solutions pour faire face et compenser les impacts climatiques.

Toutes les COP n’ont pas la même importance diplomatique. Celle-ci est la plus importante depuis l’Accord de Paris et ses décisions seront discutées à un haut niveau diplomatique malgré l’absence notable de certains chefs d’Etat (Chinois et Russe en premier lieu). La première semaine a vu les diplomates se mettre d’accord sur la partie la plus consensuelle du texte à adopter et proposer des options, divergentes donc, que les ministres devront négocier et trancher lors de la deuxième semaine. La reprise diplomatique est d’autant plus lente mais importante alors que la pandémie a affecté tant les relations internationales, que les dynamiques de transitions écologiques et économies mondiales.

Texte et photo : Yann Robiou du Pont.